Andy se penche sur son passé et renifle, petit morceau d’éternité misérable qui le déprime et lui donne envie de vomir, oui. Une putain d’envie de vomir. Si seulement c’était possible au Huis Clos, il irait certainement se planter tout de suite devant Belphégor, Rhadamanthe, n’importe qui de responsable, et il lui repeindrait les chaussures de son néant bilieux. Mais bien sur, c’est impossible, et puis Andy sait que personne n’est responsable, parce qu’il s’est tué tout seul comme un grand et qu’il ne peut blâmer personne d’autre que lui même, putain, et que pleurer sur sa pauvre petite destinée insignifiante lui ronge les nerfs.
Mais le pire, c’est qu’il n’a pas grand chose d’autre à faire, ici, que de contempler les années perdues à ramper sur le béton Londoniens, à admirer de loin une époque d’avant gardes remuante comme un tas d’ordure infecte, à tenter de se dégoter loin de la masse un trou douillet, mais peine perdu, sans talent, sans les autres, les autres, on ne peut rien. Sourire amer coincé entre deux éclats de pupilles glaciaux. Les autres, cette engeance si particulière qui fait le monde et fait un homme, et vous fait vivre au travers d’une perception primaire. Pourquoi lui a t-on dit non, Andy s’en fou, ha, mais les répercussion de ce non ont été comme une onde de choc, une accumulation de négation terriblement efficace qui l’ont renversé, pauvre fétu de paille inconsistant et il ne comprends maintenant que toute l’énergie perdue à se débattre pour garder la tête à la surface n’était qu’un mensonge, un rêve, une illusion, un coup d’épée dans l’eau.
Bah.
Andrew à besoins de se changer les idées. Il arpente le Huis Clos comme un fantôme hyperactif, nerveux dans son ennuie, en quête de quelque chose, n’importe quoi, quelque chose à faire bon sang, hé, toi, ça te dis une décoration années 20 genre Chartes d’Athènes ouais, nan, même pas si je te l’a fais à quarante pour cent, hé, connard, de toutes façons y a pas d’argent qui circule ici c’était juste pour rendre service ! Ca se fini toujours de la même manière, bon, il y a des jours avec et des jours sans, des jours où Andy trouve sa clientèle parce que hé, ça manque un peu de décoration vintage post-moderne ici, et puis des jours où les autres, les autres bon sang, on l’air de n’en avoir plus rien n’a foutre que les murs soient tous atrocement uniforme.
C’est l’enfer, putain.
Andy pousse la porte du bureau de Martens avec l’impression confuse que ses pieds l’ont amenés ici pour une bonne raison et c’est presque revigorant, cette sensation qu’il va se passer un truc important, ou surprenant, ce serait déjà pas mal. L’artiste convaincu arpente la pièce du regard sans trop savoir, la tête dans l’entrebâillement, il voit au travers des verres fumés une étonnante propreté, un ordre sous-jacent et intrinsèque au personnage qui ne lui convient pas du tout. Doc est comme ça, organisé et linéaire. En paradoxe, Andy et son bordel existentiel créent une sacrée difformité, mais ce dernier semble ne pas le calculer du tout. Parce que ça l’arrange de considérer Martens comme son pote, hein, ils font de l’Art tout les deux, tu vois, ils partagent un truc puissant, ouais, un dramaturge et un plasticien ça fait un peu le Big Bang de l’humanité, et si tu comprends pas ça, ben t’as rien compris, mec.
Penché au dessus d’une scène invisible, devant un public illusoire, Martens semble absorber dans ce qui se présente pour Andy comme le fantasme d’une réussite méritée. L’Artiste applaudit avec passion.
- Je sais pas ce que tu jouais mon pote, mais ça m’a l’air fameux. »