La piscine de l'hôtel n'a rien de très attirant : on dirait qu'elle n'a pas été entretenue depuis des siècles, et que son eau stagne ici depuis des millénaires. L'eau de la piscine n'est d'ailleurs jamais chlorée, c'est la Nature qui s'en occupe ; les algues et différentes plantes vertes douteuses lui ont donné une couleur verdâtre et une consistance trouble, et seuls les pensionnaires les plus désespérés iraient se baigner dedans. La piscine est dite « sans fond » puisque jamais personne à ce jour n'a déjà vu ou touché le sol en dessous de la piscine. Certains disent qu'elle mène aux Enfers, que c'est une sorte de porte entre 8Clos et l'autre monde, le vrai, tandis que le personnel affirme qu'il y a des morts qui flottent dedans, mais on se doute que c'est pour essayer de rendre l'endroit plus attractif.

Sous ce jeu de mot de mauvais goût se cache le supermarché souterrain de Huis Clos. Sous les néons sinistres des étalages réfrigérés, les pensionnaires viennent baver sur les denrées alimentaires qu'ils ne peuvent plus consommer. On peut y acheter des journaux et revues diverses, ainsi que des mauvais romans (Marc L..., Guillaume M...) : on est en enfer, après tout. La particularité de ce supermarché est le rituel quotidien et méticuleusement observé des Étiquettes. Le caissier applique sur les produits bientôt périmés des auto-collants rouges, et une fois éloignée, c'est la ruée vers les rayons et la furie entre les Pensionnaires. Les batailles pour les denrées moitié-prix sont extrêmement violentes et obéissent à des règles et stratégies bien particulières. On se demandera si les Pensionnaires ont conscience de se battre pour des choses qu'ils ne peuvent consommer, et on se dira qu'ils agissent plus ou moins par nostalgie.

Le cimetière s'étend sur une grande partie du sous-sol puisqu'ici chaque pensionnaire y possède son propre petit carré de terre. Lorsque vous vous approchez de votre tombe, vous pouvez y apercevoir ce qui s'est passé quand vous êtes morts, les jours qui ont suivi, votre enterrement peut-être, comment vos proches ont commencé, lentement, à refaire leur vie... Beaucoup de nouveaux venus passent des jours ici, jusqu'à ce que cela leur fasse vraiment trop mal. Vous vous rendrez compte qu'au fil du temps, l'effet s'estompe, et que les choses que vous voyez sont de plus en plus fragmentés, rapides, embrumés. Les pensionnaires y retournent souvent pour examiner l'état des choses vingt ans, trente ans, cinquante ans après leur mort, jusqu'à ce qu'ils n'y voient définitivement plus rien.